Outsiders

Outsiders : Rebelles, excentriques, visionnaires

Du 23 avril 2025 au 13 juillet 2025

  • 40 Projections

22 films

Après la grande rétrospective du travail de Frederick Wiseman, le cycle thématique Outsiders propose une forme de contrepoint, en partant à la rencontre d’individus évoluant à l’écart des institutions et des normes, dans des circuits parallèles. Marie Losier a consacré toute son œuvre à des figures aussi singulières que flamboyantes, expérimentant avec la musique, les idées et souvent leur propre corps. Quelle meilleure invitée pour inaugurer cette programmation ? Nous aurons l’honneur de projeter en sa compagnie son nouveau film, Barking in the Dark, enquête autour d’un groupe nimbé de mystère : The Residents.

Dans le sillage de cette amorce fantasque, le cycle rassemble 22 réalisations où les marges apparaissent comme des sources d’inspiration. Variées dans leur écriture, leur provenance et leur époque, elles ont en commun de façonner des écrins sur mesure pour ces rebelles, excentriques et visionnaires, afin que se prolonge en nous le regard respectueux et souvent admiratif des cinéastes. Si les protagonistes des films évoquent parfois des violences subies, elles et ils démontrent surtout une grande force créatrice. Leur position périphérique apparaît comme un espace de liberté. En émane un point de vue tranchant sur la normalité, qui interroge nos propres décisions.

Les options choisies par ces outsiders demandent du courage. Celui de vivre en dehors du circuit de l’argent, à la manière du lichénologue Trevor Goward, qui se marginalise en rompant avec le court-termisme ambiant dans Lichens Are the Way d’Ondřej Vavrečka. De s’y frayer un chemin souterrain, comme Sandrine, la pickpocket avec laquelle Sólveig Anspach a réalisé quatre œuvres, ou le groupe de chasseurs de trésors iraniens des Rêveurs et la Juge d’Hesam Eslami. Celui d’assumer sa sensualité, comme ces femmes d’Inde qui échappent au joug du mariage arrangé en devenant strip-teaseuses dans le film de Mira Nair India Cabaret.

Comment riposter aux injonctions rigides qui fondent toute société ? Par la verve, dirait Jason Holliday, ancien domestique et travailleur du sexe à ses heures, dans Portrait of Jason de Shirley Clarke, ou l’écrivaine Khady Sylla, qui déclame et dialogue pour mieux devancer sa vulnérabilité psychique dans Une fenêtre ouverte. Dans Nafura de Paul Heintz, trois Saoudiennes non voilées tournent en dérision ce symbole phallocrate qu’est la fontaine de Djeddah ; leurs voix résonnent jusqu’en banlieue parisienne : dans Akaboum de Manon Vila, le collectif Ygrk Club rappe depuis des zones négligées par les instances de pouvoir.

Fiction, fantasme et action constituent autant de réponses aux stigmatisations. Des personnes trop à l’étroit dans une culture hétéronormative inventent des objets différents et d’autres rituels dans Dildotectónica de Paula Tomás Marques. La famille anglaise du film culte The Moon and the Sledgehammer bricole des engins à vapeur anachroniques. Nuestra voz de tierra, memoria y futuro de Marta Rodriguez et Jorge Silva montre de façon éclatante la relation entre l’abstrait et le concret : en revisitant leur histoire et en écrivant de nouveaux mythes, des peuples indigènes de Colombie cimentent leur union pour la réappropriation des terres qu’ils cultivent.

Cette programmation entend déjouer un certain stéréotype de la marginalité : les personnes filmées sont souvent des femmes, et vivent rarement isolées. Au contraire, leur énergie repose bien souvent sur le partage. Amour, amitié et sens de la communauté s’y montrent infiniment précieux. Au sein de démocraties à bout de souffle, leurs façons de vivre apparaissent comme des traités politiques en actes. Dans le terrassant L’Exil et le Royaume, Jonathan Le Fourn et Andreï Schtakleff inventent à partir du réel un univers où seules quelques vigies résistent à un courant qui normalise la violence infligée aux exilés. L’optimisme, le refus d’abdiquer, sont peut-être le secret des outsiders rassemblés dans cette programmation. Quel que soit le degré d’ombre autour d’eux, ces rebelles, excentriques et visionnaires parviennent à ne pas s’y laisser engloutir, à voir au-delà. À nous de suivre leur regard.

Olivia Cooper-Hadjian, programmatrice du cycle

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