Les grandes manœuvres de l'OTAN en Allemagne vues du côté américain. Des USA à Francfort, Wiseman suit une unité de chars, des préparatifs du départ au simulacre de bataille, du plan de bataille à l'isolement dans la forêt allemande et à la défaite finale. Comme Sinai Field Mission, Manœuvre est le film d'une guerre qui n'en est pas une, d'une paix travestie en guerre. À Sinai Field Mission, et à son principe pacifique de dissuasion, par contrôle conjoint de l'ONU et des États-Unis, de la zone-tampon entre Israël et l'Egypte, par établissement d'un no man's land entre les deux parties, fait écho la dissuasion active de Manœuvre où se déploie une stratégie de démonstration simulée de sa force à l'ennemi. Lors de la grande parade inaugurale, le général en chef des manœuvres, se défendant de toute provocation, dit ces mots : "l'histoire a prouvé que face à un ennemi surarmé la manifestation de sa puissance est la meilleure défense."
Au côté surréaliste d'une petite Amérique protégée par une compagnie de Ghanéens entre deux armées invisibles au cœur du désert, davantage otage de ces deux armées que garante de la paix, répondent, dans Manœuvre, la conviction et la vraisemblance des acteurs d'une guerre qui n'en est pas une. À l'isolement et à l'ennui des uns, l'attente et la morosité des autres plus intéressés à courtiser les jeunes Allemandes rencontrées sur la route qu'à jouer à la guerre, fût-ce avec de vrais fusils, de vrais tanks et de vrais avions. Puissance du simulacre : à force de croire à la guerre, de jouer le jeu, d'être individuellement et collectivement hypnotisés par leurs plans et mouvements de troupes, les militaires la rendent plus vraie que nature jusqu'à faire de tout badaud ou civil à son contact un potentiel espion soviétique, et de la paisible campagne allemande une erreur de décor dans les accessoires. Comme les paysans et citadins allemands, nous regardons cette guerre grandeur nature comme un film hollywoodien, totalement indécis sur l'enjeu, mais ne doutant pas qu'elle a lieu effectivement tant le rapport de force entre civils et militaires est déséquilibré, tant le rideau de fumée de la bataille est réaliste...