Sharon McCutcheon

VOIR GRAND : TÉLÉVISION, CINÉMA ET VICE-VERSA

Du 8 septembre 2021 au 19 décembre 2021

En marge du travail continu des rédactions et de leurs téléécritures du réel, la télévision en France a toujours suscité ou accompagné des démarches d'auteur pour développer des films exigeants. Ainsi le service de la recherche de la Radiodiffusion-télévision française, fondé par Pierre Schaeffer, est à l'initiative depuis les années soixante d’une série d’expériences qui vont, avec la caméra légère, durablement influencer des cinéastes comme Jean Rouch ou Chris Marker. La refonte du paysage télévisuel dans les années quatre-vingt provoque l’émergence progressive d’un nouveau projet. Thierry Garrel livre son grand dessein : Une télévision publique s’adresse au citoyen. Elle doit lui permettre de faire l’expérience la plus large possible de sa liberté, de sa singularité, de sa souveraineté, de sa participation au monde.

Cette ambition, nous avons envie cette saison de la reprendre pour défendre non pas un, mais des cinémas d’auteur. Avec comme simple boussole, un abécédaire résolument subjectif et fragmentaire, comme autant d’entrées pour faire découvrir trois initiatives singulières ou pionnières, sinon exploratoires.

À la naissance de la troisième chaîne de télévision française en 1974, La Vie filmée, une série documentaire unique en son genre, raconte l’histoire de France à travers cinquante ans d’images amateur. Les bobines collectées aux quatre coins du pays sont confiées à une fine équipe de réalisateurs et de romanciers. Ensemble, ils aiguisent rétrospectivement notre regard sur la mémoire des images, et les images de notre mémoire.

En 1997, le même Thierry Garrel fonde pour La Sept-ARTE son laboratoire du cinéma de création. En presque 25 ans de diffusion, La Lucarne a révélé aux Français certains des plus grands auteurs du cinéma documentaire mondial. Surtout, La Lucarne continue obstinément de produire et de diffuser des œuvres à la fois uniques et audacieuses, qui témoignent d’un formidable esprit de curiosité.

Vingt ans après, Catherine Alvaresse à France Télévisions inaugure avec 25 nuances de doc, une nouvelle case de la grille de France 2. Dédiée à toutes les nouvelles formes d’écritures documentaires, 25 nuances de doc promeut des œuvres singulières et fortes, pour nous donner à voir un monde tout en nuances.

Ces trois entreprises inédites ambitionnent de bousculer inlassablement nos certitudes. Les films programmés inventent des dispositifs et des formes qui sont les leurs. Ils viennent nous rappeler le fameux regard des auteurs, hier considéré comme constitutif du cinéma documentaire dit de création. Parfois passées inaperçues, souvent inédites en salles, chacune de ces œuvres mérite, décidément, une plus grande surface photosensible.

Voir grand pour rencontrer une œuvre en compagnie des cinéastes.
Voir grand pour raviver ensemble la tension de notre regard.
Voir grand en partenariat avec ARTE, France Télévisions et l’INA.

Julien Farenc
programmateur du cycle

 

E COMME EX-CENTRICITE

La Lucarne

La Lucarne cherche le renouvellement et l’excentricité au sens propre du terme : l’ex-centricité, le fait d’être en dehors du centre. (Rasha Salti)

Défenseur d’une télévision d’auteurs sans concession, Thierry Garrel imagine la Lucarne en 1997, pour soutenir des films libérés des contraintes du paysage télévisuel. Pendant vingt ans, la Lucarne dévoile les premières œuvres de cinéastes alors inconnus à la télévision française comme Sergueï Loznitsa, Wang Bing ou Naomi Kawase. Aujourd’hui, les premiers films dominent toujours avec quelques échappées signées Tsai Ming-liang ou Jean-Luc Godard. Les cinématographies se sont en revanche diversifiées : Amériques, Afrique ou Moyen-Orient.

Voir grand a l’ambition de proposer quelques jalons dans une histoire riche de plus de 300 films. En renonçant aux films déjà exposés récemment, en conjurant l’écueil de la représentativité et des quotas esthétiques, un choix nécessairement subjectif et amoureux, s’est finalement posé sur 28 œuvres.

Quatre auteurs méconnus ou invisibles sont célébrés avec deux films pour chacun d’eux : Viktor Kossakovski, Sergueï Dvortsevoï, Alan Berliner et Boris Gerrets.

Le second tiers de la programmation provient des riches heures de la Lucarne, depuis Sur les flots de l’Adriatique de Brian McKenzie, présenté en avant-première dans sa version restaurée. Luciano Rigolini, le premier œil de la Lucarne, présente pour sa carte blanche deux films rares de Naomi Kawase.

Enfin les derniers prototypes sont des films contemporains, dix œuvres présentées souvent pour la première fois sur grand écran, en présence des cinéastes. Parmi eux, trois films sont dévoilés en exclusivité avant leur primo diffusion ARTE, et en présence de Rasha Salti, le nouvel œil de La Lucarne, dont : Notre mémoire nous appartient de Rami Farah et To the Moon de Tadhg O'Sullivan. 

 

V COMME VIE FILMEE

La vie filmée

Il y a en chacun de nous un Proust qui sommeille. Et la recherche du temps perdu, qu’elle s’écrive en longues phrases ou qu’elle se chante en rengaines, nous intéresse tous. Et nous touche au cœur, nous touche au vif, même si nos cœurs et nos vies sont différents. [...] Alors c’est nous les gens qu’on filme, nous les autres, c’est nous La Vie filmée ? Attention, le petit oiseau va sortir. Petit oiseau deviendra grand. Grand comme la mémoire collective. Grand comme un nuage qui se balade dans l’air du temps. (Agnès Varda)

En 1975, Jean-Pierre Alessandri et Jean Baronnet produisent pour France Régions 3, La Vie filmée, une série de sept films sur l’histoire des Français, réalisés à partir de films tournés par des amateurs entre 1924 et 1954.

Jean Douchet, Alexandre Astruc, Claude Ventura ou Guy Gilles orchestrent avec leurs auteurs, Agnès Varda ou Georges Perec ce qui se passe chaque jour, et qui revient chaque jour, le banal, le quotidien, l’évident, le commun, l’ordinaire, l’infra-ordinaire.

Le regard des Français sur le quotidien du premier vingtième siècle, mis en récit par des cinéastes du second vingtième siècle, offre à nos yeux une mise en abyme inédite. Elle éclaire sur la manière dont nous aimons nous représenter, dont nous créons notre mémoire avec nos images et celles des autres, enfin sur comment nous nous inscrivons dans un récit collectif en perpétuelle réécriture.

Écrire pour la télévision un récit tout en archives, semble rétrospectivement procéder d’une démarche pionnière. Faire récit avec la fragile mémoire argentique, c’est conforter l’intangibilité du cinéma, inventer sa dimension patrimoniale. Surtout, écrire l’Histoire à la première personne est une démarche alors neuve, qui transforme le cinéaste, selon le mot de l’historien Paul Veyne, en romancier du vrai. 

 

P COMME PLAISIR ET PARTAGE

25 nuances de doc

C’est un lieu d’écriture où le récit doit rester toujours accessible. Ce n’est pas un lieu expérimental, mais les films doivent revendiquer une signature d’auteur forte, [...] doivent transmettre le plaisir du cinéma. (Catherine Alvaresse)

Fondée en 2017 par Catherine Alvaresse pour France Télévisions, 25 nuances de doc est la plus récente initiative pour le cinéma documentaire de la télévision publique. Sa ligne éditoriale place le récit et son auteur au centre du jeu.

Sa programmation délibérément éclectique témoigne de la porosité du cinéma et de la télévision. France Télévisions joue un rôle souvent décisif dans la production documentaire française, mais renforce avec 25 nuances de doc sa dimension internationale dans la diffusion, en puisant dans le vivier des grands festivals de cinéma.

Douze films ont été choisis pour montrer la diversité de sujet et d’esthétique. Les Plages d'Agnès de la regrettée Agnès Varda, rappelle la volonté de diffuser des films qui ont fait date. Le Projet de mariage de Atieh Attarzadeh Firozabad et Hesam Eslami plébiscite un film récompensé dans de nombreux festivals, tout comme Vertige de la chute de Vincent Rambaux et Patrizia Landi, présenté à l’occasion de la carte blanche donnée à l’équipe de programmation 25 nuances de doc.

Deux films sont présentés en exclusivité avant leur diffusion linéaire. Akeji, le souffle de la montagne de Mélanie Schaan et Corentin Leconte est un moment comme suspendu hors du temps, un premier long métrage pour ouvrir la rétrospective.

Pour la clore et aborder le travail de production avec 25 nuances de doc, Moonlight Jerusalem de Tamara Erde sera présenté en première française le vendredi 17 décembre. 

Structure organisatrice

Partenaires

l'INA, France Télévisions et Arte

Contact

programmation.cinema@bpi.fr