À la rencontre du réseau LCDD #5 : Le Lieu documentaire (Strasbourg)

Créée en 1989 sous le nom “Vidéo Les Beaux Jours”, l’association strasbourgeoise le Lieu documentaire défend le cinéma documentaire comme étant un outil citoyen. Afin de promouvoir cette forme cinématographique en Alsace, elle organise des projections, des rencontres, des débats, des festivals, et propose des ateliers d’éducation à l’image. Rencontre avec Georges Heck, directeur et créateur du Lieu documentaire, et passionné de cette forme de cinéma.

 

Pour commencer, pouvez-vous me parler de la création du Lieu documentaire ? 

Dans les années 1980, je fréquentais beaucoup les festivals tels que Traces de vies à Clermont-Ferrand ou le festival de création d’art vidéo de Montbéliard qui n’existe plus. J’avais une grande envie de partager mes découvertes. Alors que j’étais président d’un centre socioculturel, j’organisais quelques projections documentaires dans les locaux. Ces projections plaisaient, on m’encourageait à continuer. Je ne pouvais pas poursuivre au sein du centre culturel, cela ne faisait pas partie de ses missions. C’est à ce moment-là que l’association Vidéo Les beaux jours est née en 1989. L’ancêtre du Lieu documentaire. En 1992, la structure est devenue permanente grâce à la création d’un réseau de projection en Alsace, notre initiative a été appréciée et soutenue par les financeurs. J’ai alors démissionné de mon travail de chargé de formation pour devenir directeur des Beaux jours à ce moment. Nous avons pu démarrer les projections dans le nouveau cinéma municipal de Strasbourg qui venait d’ouvrir et avons continué de rayonner sur la région avec des projections dans des lieux multiples. L’étape suivante a été l’ouverture de la Maison de l’image en 1999.

Qu’est-ce que la Maison de l’image ? 

La Maison de l’Image est dans une ancienne caserne de pompiers désaffectée. Elle a été réhabilitée pour accueillir différentes structures à Strasbourg dont la délégation Grand Est de l’INA et le Lieu documentaire. Nous avons pu y installer nos bureaux et y développer un centre de ressources avec un espace de documentation à consulter sur place. Nous avons constitué une vidéothèque avec à la fois des films des catalogues Image de la culture et des Yeux Doc, et également des films produits dans la région dont nous avons acquis les droits. Notre objectif étant de constituer un annuaire régional des films produits chaque année et ayant reçu des financements de la région et de la métropole de Strasbourg. Une sorte de vitrine de la production alsacienne. 

Quand est ce que l’association a changé de nom ? 

Nous sommes devenus le Lieu documentaire très récemment, il y a 2 ans environ. Cela a permis de mieux identifier notre spécificité : un lieu qui organise des projections documentaires et mène des ateliers d’éducation à l’image avec le documentaire. 

Où ont lieu ces projections documentaires ? 

Notre travail de programmation est très éclaté à Strasbourg, en périphérie et dans le reste de la région Alsace. Beaucoup de lieux nous sollicitent à Strasbourg pour organiser des projections. Parmi les lieux qui nous accueillent, il y a le Musée d’art (équipé d’un auditorium), la Bibliothèque Nationale Universitaire (BNU), le Planétarium qui a ouvert l’été dernier, le Studium (nouvelle bibliothèque au cœur du campus). Nous tenons à ce véritable maillage de lieux dont nous sommes fiers. La programmation y est foisonnante. 

Le Lieu documentaire organise également des projections en dehors de Strasbourg, à échelle régionale ?

Il nous tient à cœur de proposer des projections en Alsace de manière régulière, même si celles-ci demandent plus d’organisation et d’énergie. D’autant plus lorsque les films résonnent avec le territoire. C’était le cas pour le film Jeunesses volées de Nina Barbier. Dans ce film, la réalisatrice originaire de la région s'intéresse aux “malgré-elles”, femmes françaises réquisitionnées par l’Allemagne au moment de l’annexion de l'Alsace-Lorraine pour travailler dans les fermes et usines outre-Rhin. Nous avons organisé une tournée de ce film dans la région. Cela a suscité beaucoup d’intérêt et de réactions. Nous n’avons pu faire que cinq projections en Alsace, mais nous aurions pu en faire le double tant elles ont eu du succès auprès du public. 

 

Vous accueillerez le festival Vrai de vrai fin février, comment avez-vous choisi la programmation ? 

Avec Emma, chargée de programmation, nous avions vu les films lors du festival Vrai de vrai à Paris en décembre et avions commencé une sélection. Cette année, nous avons choisi huit films (contre sept l’année dernière et six l’année d’avant). On progresse ! Mais si ça ne tenait qu’à moi, on en aurait quinze ! [rires]. Parmi les films que nous avons choisis, il y aura Rwanda : le silence des mots de Gaël Faye et Michael Sztanke ou encore Chaylla de Paul Pirritano et Clara Teper. En plus des projections, Emma a proposé aux étudiants du parcours cinéma de l’université d’animer une masterclasse de Pierre Yves Vanderweerd à propos de son film Inner Lines. Elle aura lieu le 24 février. Une table ronde professionnelle sera aussi organisée en partenariat avec l’association des réalisateurs. Le thème de cette année sera le marché du documentaire : nous débattrons sur la production et la diffusion, en présence des élu.e.s, dont la présidente de la culture en région Grand Est. 

Quels seront les autres temps forts des prochains mois ? 

Le Lieu documentaire participe au Festival Arsmondo Utopie organisé par l’Opéra national du Rhin en avril. On voit beaucoup de films de fiction traiter de l’utopie, ou plutôt de la dystopie, pourtant le documentaire en parle aussi. Il sera intéressant de faire découvrir des films qui s’emparent de ce sujet. Nous avons choisi quatre documentaires qui seront projetés dans quatre lieux différents dont le film Isaac Asimov, l'étrange testament du père des robots de Mathias Théry, un documentaire brillant. Par ailleurs, comme chaque année au printemps, nous organisons le cycle “Filmer la ville”. Il donnera lieu à quatre projections sur les questions de l’urbanisme et de la vie en ville. Et le reste de l’année sera également bien chargé en lien avec le label culturel attribué à Strasbourg par l’UNESCO.

De quoi s’agit-il ?

Pendant un an à partir d’avril 2024, Strasbourg sera la capitale mondiale du livre. Cet événement va beaucoup mobiliser le Lieu documentaire pendant toute l’année. Dans ce cadre, nous avons proposé quatre initiatives. D’abord, la constitution d’un répertoire de films documentaires sur les écrivains et la littérature des années 2000 à aujourd’hui. Pour cela, nous avons engagé une documentaliste audiovisuelle chargée de rassembler les références de films notamment à l’aide du site Film-documentaire.fr. Ce travail pourra servir d’outil pour les établissements scolaires, les médiathèques, les universités… et suscitera de la curiosité pour aller découvrir ou approfondir la lecture de ces écrivains. Nous proposerons également une programmation presque hebdomadaire pendant un an dans des lieux multiples en Alsace et à Strasbourg. La troisième action se fera en partenariat l’Université : des journées d’étude seront organisées pour s’intéresser à la fabrication de films sur des auteurs et les travers possibles. Finalement, nous mènerons des actions d’éducation à l’image : des écrivains seront invités dans des classes et proposeront un film sur un autre écrivain suivi d’une discussion.

Le Lieu documentaire propose également des actions d’éducation à l’image ?

Tout à fait, nous menons des ateliers tout au long de l’année, même en dehors des périodes de festivals. Nous travaillons avec des associations qui accueillent les publics empêchés, éloignés de la culture. Avec eux, nous montons des opérations de découverte. C’est un travail qui prend du temps mais auquel nous tenons. Nous travaillons avec des associations qui s’occupent d’anciens addicts, des ateliers de réalisation sont organisés avec une réalisatrice professionnelle qui les aide. C’est aussi l’occasion de leur faire voir des documentaires. Nous avons aussi lancé il y a quelques années le Quartier par mes yeux : nous réunissons des jeunes pour leur proposer de faire des films sur leur lieu de vie. Cela les encourage à aller à la rencontre des commerçants, des habitants afin de faire un portrait documentaire de leur quartier. Nous avons un site dédié, il est possible de tous les visionner.

 

La première escale de la circulation du festival Vrai de vrai aura lieu à Strasbourg du 20 au 24 février, organisée par le Lieu documentaire. 

Rwanda : le silence des mots de Gaël Faye et Michael Sztanke, mardi 20 février à 18:30, Médiathèque André-Malraux, Strasbourg

Sauvons les enfants de Catherine Bernstein, mercredi 21 février à 18:30, Bibliothèque National Universitaire (BNU), Strasbourg

Chaylla de Paul Pirritano et Clara Teper, jeudi 22 février à 18:30, Bibliothèque National Universitaire (BNU), Strasbourg

Solid de Marius Vanmalle, vendredi 23 février à 18:30, Cinéma le Cosmos, Strasbourg

Tranchées de Loup Bureau, vendredi 23 février à 20:15, Cinéma Le Cosmos, Strasbourg

Le Procès, Prague 1952 de Ruth Zylberman, samedi 24 février, à 14:30, Cinéma Le Cosmos, Strasbourg

Inner Lines de Pierre-Yves Vandeweerd, samedi 24 février à 16:30, Cinéma Le Cosmos, Strasbourg

Il faut ramener Albert de Michaël Zumstein, samedi 24 février à 20:00, Cinéma Le Cosmos, Strasbourg

Entrée libre.

 

Entretien réalisé par Agathe Boidé en service civique à la Cinémathèque du documentaire.

Date de mise à jour :