À la rencontre du réseau LCDD #3 : Jérôme Plan de 99 (Lyon)

Jérôme Plan est le créateur et directeur de 99, association de diffusion et projection de courts métrages documentaires basée à Lyon. Membre du réseau de la Cinémathèque du documentaire depuis 2023, sa particularité est de proposer des sous-titres en dix langues pour chacun des films afin de les rendre accessibles au plus grand nombre. Entretien.

 

99, c’est quoi ? 

99 est une association lyonnaise dont l’objectif est de promouvoir le court métrage documentaire. Nous avons une plateforme de diffusion de courts métrages documentaires en ligne en libre accès et proposons en parallèle des projections de ces films tous les trois mois. Chaque film de notre catalogue est sous-titré en dix langues : français, anglais, italien, espagnol, allemand, arabe, portugais, polonais, chinois traditionnel et chinois simplifié. 

Comment 99 a-t-elle été créée ? 

Il y a quelques années, j’ai tourné un documentaire court au Japon (Lost in Manboo). À l’époque, je travaillais en tant que journaliste pigiste à Euronews, une chaîne européenne basée à Lyon. Mes collègues journalistes venaient des quatre coins du monde et parlaient une multitude de langues différentes. Une véritable tour de Babel ! Je leur ai alors demandé de sous-titrer mon film vers l'anglais, l'espagnol, le portugais, l'italien et l'allemand. Le film a été beaucoup visionné en ligne grâce à ces traductions. Ce que nous avions fait pour mon film, il fallait le faire pour d’autres ! C’est ainsi que l’idée de 99 est venue. Elle est née d’une volonté d’universalisme : rendre le court métrage documentaire accessible au plus grand nombre, partout dans le monde.

Par qui sont sous-titrés les films proposés sur 99 ? 

On a aujourd'hui une communauté d'environ 70 traducteur.ices dans le monde entier. Parmi eux, un tiers sont des professionnel.le.s et deux tiers sont des étudiant.e.s en master de traduction - interprétariat. Nous sommes en partenariat avec leurs universités. Nous travaillons actuellement sur l’ajout du croate et du roumain sur la plateforme. À l’avenir, on pourrait symboliquement ajouter l’ukrainien ou même l’hébreu qui cohabiterait avec l’arabe sur la plateforme, cela serait formidable.

Quels types de films peut-on trouver sur 99 ? 

Une quarantaine de films du monde entier sont disponibles sur la plateforme : Indonésie, Mongolie, Nigéria, Nouvelle-Zélande, Serbie… les 5 continents sont représentés. L’objectif n’est pas de faire de 99 le Netflix du documentaire avec des milliers de films à disposition. À l’inverse, nous faisons le choix d’un petit catalogue accessible au plus grand nombre. Je suis en lien direct avec les réalisateur.ices. Il est important pour moi de faire perdurer cette relation de proximité et de confiance. 

Comment se déroule l’appel à films de la plateforme ?

Il est ouvert toute l’année et à tous les pays du monde. Le film doit être un court métrage documentaire terminé. L’inscription est de 9€ en tarif normal, 5€ pour les étudiant.e.s et gratuite dans certaines conditions, notamment pour les réalisateur.ices de pays dans lesquels les conditions sont difficiles. Nous n’avons pas de restrictions concernant l’année de réalisation du film. Ce qu'on cherche avant tout, ce sont des messages universels. Les films que nous proposons doivent être accessibles au-delà des barrières linguistiques et culturelles. Ils doivent parler au plus grand nombre. La plupart des films de la plateforme ont connu de beaux parcours en festival et arrivent en fin de vie. Leur diffusion sur 99 leur permet un second souffle. C’est aussi un moyen de toucher un public différent, plus large que celui des festivals. 

 

 

99 organise également des projections ? 

Je reste attaché au cinéma comme expérience collective. Depuis novembre 2021, nous organisons tous les trois mois les Séances du Doc, des projections thématiques de courts métrages documentaires. Ces séances sont toujours sous-titrées en français pour que chacun.e puisse comprendre et apprécier les films. Elles ont lieu à la MJC Montplaisir (Maison des jeunes et de la culture) de Lyon, un lieu convivial doté d’une salle de 140 sièges, d’un grand écran, d’un bar… C'est un formidable moyen pour lancer des discussions, créer des débats où même lever des fonds. 

Quel public se rend aux Séances du doc ?

Les projections sont aujourd’hui inscrites dans la programmation culturelle du quartier. Nous avons un public d’habitués qui peut varier en fonction des thèmes des séances. Nous créons des partenariats avec des acteurs locaux en fonction du thème de la séance afin d'impliquer les acteurs associatifs locaux. Nous faisons également des ateliers d’éducation à l’image en écoles ou médiathèques avec des projections de courts métrages et des discussions. Je pense que le court métrage documentaire est une porte d'entrée formidable vers le documentaire long. 

Les films peuvent être projetés ailleurs qu’à Lyon ? 

Oui, il est possible d’organiser une projection n’importe où : cinémas, lieux culturels, bars, prisons, Ehpad... La plateforme étant accessible en dix langues, des programmateur.ices du monde entier peuvent nous contacter pour diffuser les films du catalogue 99. L’objectif est justement de les faire circuler au maximum. C’est émouvant d’imaginer les films projetés ici à Lyon être projetés à l’autre bout du monde presque simultanément. Par exemple, il y a quelques semaines, une ONG milanaise qui travaille sur la thématique des migrants a organisé une soirée de projections de nos films sur la thématique de l’exil. Elle s'est servie de cet événement pour lancer un débat et une levée de fonds. 

La plateforme est donc connue au-delà des frontières françaises ?

Elle commence ! Pour la petite histoire, nous étions nominés pour un prix de l’IDA (l’Association Internationale du Documentaire) dans la catégorie courts métrages à côté de PBS, le service public audiovisuel américain, pour sa plateforme POV Shorts. Nous, la toute petite plateforme française face à des géants américains qui ont beaucoup plus de moyens. C’est une belle reconnaissance !

Organisez-vous d’autres évènements non réguliers, comme des festivals par exemple ? 

Il y a quelques semaines nous avons organisé le Week-end doc en partenariat avec le Fipadoc. Nous avons choisi des courts et longs métrages parmi les sélections du festival biarrot pour proposer des séances thématiques le temps d’un week-end. Nous avons apporté notre touche personnelle en faisant sous-titrer les films dans toutes les langues que nous proposons. Nous n’avions encore jamais organisé d’évènement de cet ampleur. Cela n’aurait pas été possible avant d’intégrer le réseau de la Cinémathèque du documentaire. Son aide financière a été précieuse.

Avez-vous de nouveaux projets de partenariats avec le réseau LCDD ?

À l’image de nos séances avec le Fipadoc, on pourrait continuer de faire bénéficier les membres du réseau LCDD de notre expertise en ce qui concerne les sous-titres : nos outils, notre méthodologie et notre réseau de traducteur.ices.

 

Entretien et photos réalisés par Agathe Boidé en service civique à la Cinémathèque du documentaire.

Date de mise à jour :