La Troisième porte à gauche est une structure associative de production de documentaires de création, composée de producteurs, d’auteurs, de vidéastes, de techniciens de l’image et du son. Créée en 2005 à Bordeaux, la structure a pris le temps de grandir, ce temps était nécessaire pour fédérer les énergies autour du projet, d’œuvrer pour un développement social par l’image et le cinéma documentaire.
Pouvez-vous nous présenter votre structure ?
La Troisième Porte à Gauche est une association créée en 2005 à l'initiative de trois amis qui voulaient produire leurs propres films documentaires. Pendant une dizaine d'années, la structure a servi à réaliser leurs films au Sénégal. Ils faisaient beaucoup d’allers-retours entre Bordeaux pour la post-production et le Sénégal. Ensuite, d'autres personnes sont arrivées dans l'association et nous nous sommes installés dans notre local actuel. C’est à ce moment-là que je suis arrivée dans l'association (Marthe). Par la suite, l’équipe s’est beaucoup renouvelée. Lorsque nous avons eu cet espace, les activités de l'association se sont élargies. Ce local est notre lieu de travail où nous fabriquons des films ; nous y avons aménagé une salle de montage et une salle de projection. De plus, depuis dix ans, nous prenons également des commandes de films. Nous organisons aussi beaucoup d'ateliers de réalisation avec des publics très variés. Nous avons également développé une activité bénévole de diffusion de films documentaires. Nous organisons des séances dans d'autres lieux. Pendant cinq ans, nous avons aussi organisé un festival de films documentaires : Les Passagers du Réel. Aujourd’hui, nous avons repris ce nom pour nos cycles de programmation. Ce festival se déroulait sur trois ou quatre jours, avec des séances, des conférences, des tables rondes autour du travail d’une ou d’un cinéaste, ou bien d'une thématique. L’idée était de montrer plutôt des documentaires de création. Ensuite, la diffusion s’est un peu diversifiée avec l'arrivée de certaines personnes plus liées au spectacle vivant dans l’équipe des bénévoles, notamment avec la compagnie Translation. Il y a désormais beaucoup de projections accompagnées de concerts ou de diffusions sonores. Par exemple, pour notre ciné-club, nous avons utilisé d'autres lieux comme un jardin partagé à Bordeaux où nous avons proposé une écoute sonore en plein air. D'autres projets peuvent être plus longs : pendant un an, nous avons été dans le Médoc, une région au nord de Bordeaux. Nous y avons fait découvrir le film et le travail d’un cinéaste auprès d'enfants, d'adolescents, d'adultes, et nous avons ensuite organisé une rencontre avec le cinéaste.
Quel est votre public ?
Le public qui vient, ce ne sont pas tant des gens qui font du cinéma. Il y a des étudiants, des personnes retraitées, des réalisateurs, des amis, des habitants du quartier. Ce ne sont pas que des cinéphiles. Il y a un petit peu de bouche à oreille qui se fait aussi. Et l'impression que nous avons, c'est qu'il y a des personnes qui ne savent pas ce qu'elles viennent voir. C'est-à-dire qu’elles viennent dans le lieu aussi, parce que l'endroit où nous faisons le ciné-club est un espace assez particulier, petit et convivial. C'est une jauge d’environ 35 personnes et lorsque nous discutons, nous sommes davantage proches des gens. Puis nous servons un apéro ou bien une soupe lorsqu’il fait froid ! Souvent, les gens reviennent sans savoir ce qu'ils vont voir parce qu’ils veulent découvrir de nouveaux films à la Troisième porte à gauche. Cependant, lorsque nous programmons des films à l’extérieur, comme cette année dans le Médoc avec le cinéaste anglais Andrew Kötting, nous avons eu un plus grand public. 150 personnes sont venues parce qu’il s’agissait d’un lieu beaucoup plus grand. Le travail de médiation a vraiment bien fonctionné. Il y a même quelques Bordelais qui sont venus alors qu'ils avaient une heure et demie de route. Notre public varie beaucoup en fonction des projections et des projets.
Quel type de documentaires diffusez-vous ?
Ce sont nos bénévoles qui sélectionnent les films projetés, en fonction de ce qui les a marqués pour différentes raisons. Nous faisons des réunions deux à trois fois par an pour discuter des films que nous avons vus et appréciés. Chacun dépose les films qu'il a découverts par plein de biais différents : dans des festivals, sur des plateformes ou encore des films que nous avons reçus. Il y a une quinzaine de bénévoles programmateurs. Après cette sélection, nous sommes toutes les deux, Camille et moi (Marthe), à coordonner le ciné-club. La programmation part donc d'initiatives personnelles. Mais initialement, la Troisième Porte à Gauche s’intéressait davantage au documentaire anthropologique lié aux fondateurs de l’association. C'est pour cela que nous avons toujours un hors-les-murs avec le Festival Jean Rouch. Il y a encore des films qui pourraient avoir cette approche là. Aussi, nous projetons des films qui sont à la lisière de la fiction et des films très expérimentaux. L'idée reste quand même de montrer des films qui sont très peu diffusés. Si c'est un film qui sort et qui est diffusé, par exemple, au Cinéma Utopia de Bordeaux, nous n'allons pas le montrer. Nous souhaitons être complémentaires pour montrer des films peu visibles par le public.
Comment organisez-vous vos ateliers d’éducation à l’image ?
Ces ateliers sont inspirés par le public avec lequel nous allons travailler. Par exemple, cette année avec Marthe, nous avons préparé un atelier EAC avec la mairie de Bordeaux et nous avons réuni nos pratiques. Moi, j'ai un parcours de danseuse et j'ai développé tout un travail autour de l'image du corps et du mouvement. Il y a une partie sur laquelle nous allons travailler avec les enfants, autour du geste et de la mémoire. Marthe, depuis l'année dernière, a aussi développé tout un travail autour de la pellicule Super 8, qu'elle a testé avec une classe de CM2 dans une école. Nous avions envie de reprendre une partie de ce qu'elle avait commencé à travailler avec ces enfants et de le mêler à quelque chose que j'avais testé, mais avec des lycéens, autour du corps, du mouvement et du souvenir, pour proposer un projet commun toutes les deux. Ensuite, nous avons d’autres projets. Par exemple, l'année dernière, nous avons été contactées par l'iddac, agence culturelle du département de la Gironde, qui nous a proposé de travailler sur un dispositif appelé Mix Mecs, avec des enfants en situation d'abandon. Il s’agissait d’un atelier de réalisation d'un film à leur demande. Avec eux et les animateurs, nous avons imaginé le dispositif dont ils avaient besoin pour pouvoir réaliser leur film. Ces ateliers d’éducation à l’image naissent vraiment de l’envie que les participants réalisent un film : expérimenter avec la caméra, le micro, tout le matériel de production. Nous nous battons un peu pour ne pas faire des ateliers courts de dix heures, car nous préférons prendre le temps sur six mois ou un an afin que les participants puissent expérimenter, choisir ce qu'ils ont envie de réaliser, de raconter et de monter dans le film.
Pouvez-vous nous parler de votre participation au festival Vrai de vrai ?
Philippe Lespinasse et Jean-Michel Rodrigo, qui portent le festival, nous ont proposé de co-organiser et de co-programmer Vrai de Vrai avec eux. Sauf que nous, cette année, en décembre, nous fêtions les dix ans du local et donc nous avions un gros événement à prévoir. Aucun des bénévoles du Ciné-Club n'avait le temps de voir les trente films, nous étions déjà trop pris par notre propre programmation. Nous avons donc décidé que la Troisième porte à gauche allait porter le festival logistiquement et administrativement, mais que, par contre, nous ne participerions pas à la programmation. Ils nous ont proposé d'animer une séance ce mois-ci au cinéma Utopia à Bordeaux.
Qu'est-ce qui vous a poussé à rejoindre le réseau de la Cinémathèque du documentaire ?
Au départ, il y avait des institutions un peu plus grandes qui étaient adhérentes, dont ALCA, qui est l'agence régionale du cinéma, et la Bibliothèque Mériadeck. Ce sont des gens avec qui nous travaillons depuis que nous faisons de la diffusion. Ce sont eux qui nous ont parlé du réseau de la Cinémathèque du documentaire, qui soutient les structures diffusant du documentaire. Ensuite, nous avons demandé à devenir adhérents parce que nous avions une activité assez importante. Nous étions également intéressés par les propositions de circulation des films ou des festivals, comme pour Vrai de Vrai. Nous avons adhéré au réseau de la Cinémathèque du documentaire pour faire partie d'un groupe. Nous avons travaillé avec certains membres du réseau comme Musical Écran. Les collaborations dépendent des projets et des années.
Quels sont vos évènements à venir ?
Peut-être un déménagement prochainement. Il aura potentiellement lieu dans l'année, ce qui va modifier certaines de nos activités durant un temps. Ensuite, il y a les étoiles du documentaire Vrai de Vrai et puis nous avons une programmation chaque mois. En juin, nous aimerions organiser une séance d’écoute sonore dans un jardin partagé de la Rue des Menuts, comme en juin dernier dans ce même lieu. Nous envisageons également un partenariat avec L’oeil Lucide, autre membre du réseau en Dordogne, pour un projet sur 2025/2026.
Entretien réalisé par Sabrina Jacomelli, volontaire en service civique à la Cinémathèque du documentaire.
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