Heure Exquise! propose depuis les années 1970 des projections régulières d’art vidéo et de documentaire à Lille, Tourcoing, Roubaix et les alentours. Forte de son encrage sur le territoire du Nord et du Pas de Calais, elle coordonne le Mois du film documentaire dans la région, et exerce une activité de distribution avec un catalogue riche de 4000 œuvres. Véronique Thellier et Thierry Destriez, en charge de la programmation et de la distribution (entre autres) présentent les activités de l’association.
Heure Exquise! c’est quoi ?
Thierry Destriez : Heure Exquise! est une association créée en 1975 autour de l’art vidéo. Elle fonctionne depuis 1984 de manière professionnelle et mène plusieurs activités. D’abord, un service de distribution d'art vidéo et de documentaire non commerciale depuis 1984. Au fur à mesure s'est créée une activité de diffusion régulière d'art vidéo, de films expérimentaux et de documentaires. Par ailleurs, en 1992, Heure Exquise a ouvert un centre de documentation afin de rassembler de la documentation sur les artistes présentés dans le catalogue, sur les arts vidéo et le cinéma expérimental à destination des programmateur.ice.s, des étudiant.e.s, des enseignants et des chercheur.euse.s.
Pouvez-vous en dire plus sur l’activité de distribution et le catalogue d’Heure Exquise! ?
Véronique Thellier : Le catalogue de distribution d’Heure Exquise! regroupe à peu près quatre-mille titres, essentiellement des œuvres d'art vidéo et des documentaires. Il s’agit d’un catalogue international regroupant surtout des œuvres européennes, et quelques œuvres américaines ou canadiennes. Il regroupe à peu près 700 artistes. Nous accordons de l’importance à suivre des artistes sur l’ensemble de leur carrière, de manière à poursuivre la logique d’œuvre d'un auteur. Par exemple, nous aimons beaucoup le travail de Jean Gabriel Périot. C’est un réalisateur dont nous avons l’intégralité des œuvres à notre catalogue, sauf les fictions. Par ailleurs, le catalogue regroupe aussi des œuvres plus anciennes, pionnières de l’art vidéo.
TD : Le catalogue s'adresse aux programmateurs, aux centres d'art, aux Universités, aux écoles, aux musées… Pour le faire vivre et rendre ses œuvres visibles, nous les inscrivons dans les festivals. Parfois, il faut insister pour se faire entendre et permettre à un document essentiel d’être présenté.
Comment s’organisent les activités de diffusion de l’association ?
La programmation d’Heure Exquise! s’organise en deux saisons : de janvier à juin et d'octobre à décembre. Cette saison-ci, nous consacrons un cycle autour de films LGBTQ+. La saison dernière était dédiée aux laissés-pour-compte aux États-Unis. Nous aimons travailler avec des lieux qui ne proposent pas ou peu de documentaires. Nous collaborons avec le Fresnoy à Tourcoing, ou le Méliès à Villeneuve-d’Ascq. Par ailleurs, nous proposons des œuvres plus expérimentales au Palais des Beaux-Arts de Lille.
Comment choisissez vous vos programmations ?
VT : Heure Exquise! a toujours été très engagée à défendre les droits humains et des minorités. Nous avions déjà proposé plusieurs événements consacrés à la thématique LGBTQIA, et lors de notre participation au festival de films queers Chéries chéris à Paris, nous avons découvert de très beaux documentaires qui correspondaient à ce que nous voulions défendre. Les films queers sont très peu montrés dans les salles cinéma et très peu à la télévision. Il n’y a pas non plus de festival dédié au cinéma queer à Lille. C'était une façon de rendre visible ces documentaires.
TD : Que cela soit pour les laissés pour compte aux États-Unis, ou pour la communauté LGBTQ+, ce qui nous anime dans nos projections, c’est l'engagement. Nous voulons montrer des œuvres indépendantes qui ne soient pas instrumentalisées par la télévision, l'industrie cinématographique, ou récupérées par les politiques. Nous sommes complètement libres dans nos programmations.
Comment avez-vous préparé le cycle d’œuvres LGBTQ+ ?
TD : Nous avons travaillé avec un programmateur invité : Stéphane Gérard qui est spécialisé dans le cinéma queer. Il nous a notamment aidé à trouver les bons circuits de distribution de ces films indépendants. C’est un travail conséquent pour trouver les ayants droit et les sous-titres des films étrangers. .
Quel public vient voir des films programmés par Heure Exquise! ?
VT : Le public présent aux projections dépend des thématiques des cycles. Les spectateur.ice.s qui viennent généralement assister aux projections sont plutôt cinquantenaires. En revanche, le cycle thématique LGBTQ+ rencontre un succès auprès d’un nouveau public que nous ne connaissions pas, plutôt jeune. C’est aussi ce que nous cherchions à générer avec ce cycle : renouveler notre public, même si on aurait aimé que les habitué.e.s viennent découvrir ces films.
Comment parvenez vous à fidéliser le public ?
TD : Ce qui est important, c'est la régularité. Plus on est régulier, plus le public l’est aussi. On organise entre 50 et 60 projections par an, sans compter les avant-premières documentaires. Ce qui est conséquent par rapport à nos ressources. À chaque saison nous avons des nouvelles idées ou des sollicitations intéressantes qui nous poussent à multiplier les séances. Nos saisons coûtent cher, entre les droits de diffusion, la rémunération des invité.e.s, les conférences… c’est une grande partie de notre budget de fonctionnement. Pourtant, c'est aussi grâce à cette saison culturelle riche qu’ Heure Exquise! a une meilleure visibilité.
Quels sont les temps forts de la programmation d’Heure Exquise!?
VT : Chaque année au mois de décembre, nous organisons la manifestation MusicVideoArt!, qui est dédiée à la diffusion de documentaires sur les musiques et des conférences thématiques. Cet évènement se déploie à Lille, Roubaix et Tourcoing dans les salles de cinéma,dans des médiathèques et une salle de concert et aussi dans des médiathèques du Département du Nord.
La prochaine Saison de Septembre à décembre 2024 nous proposerons également un Temps Fort consacré au cinéma documentaire indépendant consacré à Bill et Turner Ross en collaboration avec la Cinémathèque du documentaire.
TD : Un autre temps fort pour Heure Exquise, c'est le Mois du film documentaire que nous coordonnons en région Hauts-de-France. Nous organisons les ouvertures avec des films d’actualité sur différents territoires, Dunkerque, la Picardie, le Pas de Calais. Cette année, on ouvrira le Mois du film documentaire avec le dernier documentaire réalisé par Bill et Turner Ross Gasoline Rainbow.
Collaborez vous avec d’autres membres du réseau ?
TD : Pour la saison prochaine, nous collaborons avec la Cinémathèque du documentaire à la Bpi. Il s’agira d’une reprise d’une partie de la rétrospective des Frères Ross à laquelle nous avions assisté l’année dernière de manière partielle. Avec Harry Bos, le programmateur de cette rétrospective, nous travaillons sur une sélection de films qui feront l'ouverture de notre saison et du Mois du film documentaire. Ce n'est pas la première fois que Heure Exquise! collabore avec la Bpi : il y a deux ans, nous avions programmé des films de Sergei Loznitsa.
Heure Exquise! produit également des films documentaires ?
TD : Depuis 2016, Heure Exquise! mène une activité de coordination de productions : nous mandatons des réalisateurs ou réalisatrices pour réaliser une série de courts métrages documentaires sur des artistes en résidence dans le cadre des contrats locaux d'éducation artistique ou de missions dans les établissements sanitaires et sociaux. C'est un partenariat avec la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), qui nous a confié cette tâche de documenter les actions qu'elle met en place en faveur de la création artistique du fait de notre connaissance du terrain. Aujourd’hui, il existe environ cent soixante portraits d’artistes plasticiens, de poètes, de journalistes… Ils sont répertoriés sur une chaîne Viméo et diffusés à l’occasion de certaines manifestations.
Depuis quand Heure Exquise! fait-elle partie du réseau LCDD ?
VT : Nous sommes membre du réseau LCDD depuis sa création, et son soutien est toujours le bienvenu ! LCDD nous a aidés à organiser la programmation de cette année autour des Frères Ross : la location des films, les déplacements et interventions de Harry Bos, le programmateur… C’est aussi grâce à la Cinémathèque du documentaire que nous avons pu mettre en place la rétrospective de Jean-Gabriel Périot. De manière plus générale, cette aide nous permet d’enrichir les programmations. Faire partie du réseau nous permet aussi d’avoir une visibilité nationale de notre activité de diffusion. C'est une reconnaissance supplémentaire de notre travail.
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