Chaque année, à la suite de Cinéma du Réel organisé par la BPI et Les Amis du cinéma du réel au Centre Pompidou en mars, la Cinémathèque du documentaire organise une circulation. Cinq films sont proposés au réseau, répartis dans trois programmes. L'objectif est de faire découvrir au plus grand nombre la diversité des démarches créatives dans le documentaire contemporain, et d'organiser la rencontre entre cinéastes et public sur l'ensemble du territoire national.
À travers son réseau national et en partenariat avec Images en bibliothèques, La Cinémathèque du documentaire œuvre à la circulation nationale de films issus de la sélection du festival Cinéma du Réel : cinq films de formats différents issus de la compétition de la 46e édition du festival, en 3 programmes proposés par Catherine Bizern, la déléguée générale du festival Cinema du Réel.
"La compétition de la 46e édition de Cinéma du réel propose 37 films documentaires du monde entier, courts et longs métrages ; 37 films différents qui démontrent la richesse du documentaire, vaste territoire cinématographique où les images d’archives convoquent le passé tandis que les images virtuelles nous projettent instantanément dans le futur. Les cinq films que nous avons choisis pour cette circulation témoignent de cette diversité. Mais ce sont surtout des œuvres qui content des histoires, convoquent les imaginaires, et nous permettent de regarder notre présent en face."
Programme 1 - C’est notre Histoire
Les Mots qu’elles eurent un jour pourrait s’appeler Portrait de femmes entre elles tant le mot “sororité” vient immédiatement à l’esprit à regarder encore et encore ces images filmées par Yann le Masson. Face à ces images de jeunes femmes modernes, engagées et éprises de liberté - qui furent agents de liaison ou poseuses de bombe pendant la guerre d’Algérie et sortaient des prisons françaises - : celles qu’elles sont devenues aujourd’hui.
Au-delà du son de ces archives qui semble à jamais disparu, dans l’écart entre les images du passé et celles du présent, quelque chose dans l’Histoire semble irrémédiablement avoir aussi été détruit.
Les Mots qu'elles eurent un jour de Raphaël Pillosio, 84 mn, France
En 1962, Yann Le Masson filme la parole de militantes algériennes à leur sortie de prison en France. Plus de 50 ans après, alors que la bande son a disparu, je pars à la recherche de ces femmes.
Après des études d’histoire et de cinéma, Raphaël Pillosio a produit de nombreux films documentaires et quelques fictions au sein de l’atelier documentaire société installée à Bordeaux qu’il a fondée avec Fabrice Marache en 2007. Parmi les derniers films qu’il a produits : Ana Rosa de Catalina Villar, À pas aveugles de Christophe Cognet, Le fleuve n’est pas une frontière d’Alassane Diago, Mon pire ennemi et Là où Dieu n’est pas de Mehran Tamadon, Thun-le-paradis d’Eleonor Gilbert, L’évangile de la Révolution de François-Xavier Drouet.
En tant que réalisateur il a consacré trois films aux mondes des Gens du voyage : Route de Limoges, des Français sans Histoire et Histoires du carnet anthropométrique. Après Algérie, d’autres regards, un documentaire consacré aux cinéastes qui s’étaient engagés contre la guerre d’Algérie, Les mots qu'elles eurent un jour poursuit son exploration des liens entre le cinéma militant et l’Algérie.
Le film a reçu le Prix Cnap du film français 2024 à Cinéma du réel.
©L'ATELIER DOCUMENTAIRE
Programme 2 – Construire un personnage
Deux films de moyen métrage qui chacun à leur manière s’attache au récit d’une vie. Jules Cruveiller utilise un dispositif narratif intransitif, le “je” est celui d’un narrateur qui conte en voix off l’histoire passée d’un homme qui n’est peut être même pas celui que l’on voit au présent à l’écran et pourtant tout semble vrai. Virgil Vernier dirige une jeune femme qui filme son journal à la première personne dans un ici et maintenant immédiat et pourtant tout semble faux. Tous deux cependant nous ont permis de rencontrer un personnage et de nous projeter dans son existence.
Capture de Jules Cruveiller, 37mn, France
Cihan est un ancien prisonnier politique kurde de Turquie. Le quotidien qu’il mène aujourd’hui en France ne laisse pas présumer l’ampleur des mésaventures traversées à ses vingt ans, dont le film fait le récit.
Jules Cruveiller est diplômé de l’École d’Arts de Cergy. Il développe une pratique valorisant une dimension expérimentale et artisanale du cinéma. Il s’est engagé dans le fonctionnement et la programmation du Cinéma La Clef lors de son occupation de 2019 à 2022. Il a notamment montré ses films au Bal et a participé à diverses expositions collectives. Il reçoit en 2018 le Grand Prix André S. Labarthe au festival Côté Court de Pantin, pour son film de fiction Fuite.
©FILMS HATARI
Imperial Princess de Virgil Vernier, 48mn, France
Lulia vit seule à Monaco depuis le départ de son père, retourné en Russie à cause des sanctions contre son pays. Elle ne va plus en cours. Elle se sent de plus en plus seule et menacée.
Virgil Vernier est un acteur et réalisateur français né en 1976. Il réalise en 2001 son premier film, Karine. Ses courts et moyens métrages ont été présentés dans de nombreux festivals internationaux, notamment la Quinzaine des réalisateurs (Cannes), l’ACID (Cannes), le FID Marseille, le festival de Locarno, IndieLisboa, Cinéma du réel (Paris), le Festival du Nouveau Cinéma (Montréal). Son film Pandore concourt en 2012 aux Césars pour le prix du meilleur court-métrage et reçoit le prix de qualité du CNC (2011). En 2019, Sapphire crystal reçoit le grand prix du Festival Côté Court et concourt aussi pour le César du meilleur court métrage. Après avoir réalisé quatre long métrages documentaires, Virgil Vernier réalise en 2014 son premier long métrage de fiction, Mercuriales (Kazak Productions), sélectionné au festival de Cannes (ACID 2014). En 2018, son long métrage Sophia Antipolis (Kazak Productions) est présenté en première mondiale au festival de Locarno, avant d’être sélectionné dans divers festivals internationaux, tels que Berlin, Hong Kong, Taipei, New York, Rotterdam, Vienne et San Sebastian. Son dernier film en date, Kindertotenlieder, sélectionné à Cinéma du réel en 2021, reçoit le prix Jean Vigo en 2022.
©VIRGIL VERNIER
Programme 3 – double séance : jeune cinéma/jeunes adultes
Chaque année Cinéma du réel propose de découvrir de jeunes cinéastes aux manières de faire qui disent aussi l’évolution formelle d’un cinéma documentaire en constante expansion. Autour d’une même thématique - les jeunes adultes aujourd’hui - ces deux films se trouvent aux antipodes à différents égards : là une bande de jeunes gens comme prisonniers dans les paysages de l’Essonne qui semblent plus grands qu’eux, ici un binôme de concepteurs de jeu enfermés dans une maison qui ressemble étrangement à celle-là même qu’ils ont créée… Pourtant quelque chose les relie comme le désir d’une vie qui passerait entre fantaisie et oisiveté, douceur d’un rayon de soleil partagé et plaisir de l’occupation de l’espace-temps.
Longtemps ce regard de Pierre Tonachella, 57mn, France
Souvenirs épars d’années passées dans mon village, où les amitiés, le quotidien prolétaire, l’errance et les champs plats sont célébrés au cours d’un cheminement poétique et politique.
Pierre Tonachella est né en 1988. Il a grandi dans un village de l’Essonne, puis il a mené des études de philosophie et de théorie du cinéma à Paris avant de se consacrer à la pratique du cinéma documentaire. Son travail mêle l’intime et le politique et se fait souvent avec les proches de son village. Il écrit par ailleurs de la poésie.
©L'IMAGE D'APRES
Boolean vivarium de Nicolas Bailleul, 55 mn, France
Dans une maison isolée du monde, Léo et Nicolas s’attèlent à la création de “Vivarium”, un jeu vidéo dans lequel on assiste au pourrissement d’une maison inhabitée. Un jeu qui fait étrangement écho au lieu où les protagonistes peinent à cohabiter.
À travers la réalisation de films documentaires, d’installations et de performances, le travail de Nicolas Bailleul se définit par l’usage, le détournement, la collecte et l’exploration des plateformes, des mondes virtuels, des espaces connectés et des infrastructures du web aux logiques et géographies incertaines. En essayant de montrer concrètement ce qui se joue dans des lieux prétendument irréels, invisibilisés et inaccessibles, il cherche à faire émerger des problématiques contemporaines qui touchent à des questions de création, de sociologie, d’économie et d’écologie. Depuis octobre 2020, Nicolas est doctorant contractuel en recherche et création, ainsi qu’enseignant vacataire au sein du laboratoire AIAC (Université Paris 8).
© ILLIADE & FILMS / COMET Films
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